Le verre est intimement lié à l’art de la couleur, et bien sûr, la peinture reste une référence majeure dans mes gestes et ma démarche. Mais il ne s’agit ni seulement de la peinture figurative, ni, surtout, de « reproduction » d’œuvres déjà existantes.
Quand je recours à la technique de peinture sur verre, il m’arrive encore de faire « du figuratif », et c’est alors avant tout le corps humain qui m’inspire, surtout lorsque je pars de nus de Modigliani ou de Klimt, de croquis érotiques de Rodin et Egon Schiele, ou encore du David de Michel-Ange.
Vitrail figuratif, peinture sur verre, grisaille et émail.
Cependant, j’ai très vite pris le parti de faire « de l’abstrait », car justement, je veux faire de la peinture de verre, plus que de la peinture sur verre. Le verre n’est pour moi ni un support ni un point de départ : la transparence et le mélange des couleurs sont ma toile, mon sujet, mon univers.
L’abstraction est proche du geste libre. Dans mes traits à l’aquarelle, comme dans les dispositions des écailles de verre lorsque je compose, je veux accéder à une technique d’équilibre par les lignes, les espaces, les masses et les chromatismes.
Détail, avant le feu.
Dans la maîtrise technique, je cherche une liberté, un souffle.
Parfois, un mouvement naturel dans mon verre taillé va m’inspirer autre chose que prévu. C’est un exercice de style, que je ne pousse pas forcément trop loin. Il m’arrive de refaire plusieurs pièces avant cuisson, mais quand on a un rythme de travail régulier, répétitif, les œuvres viennent mieux : c’est ça l’instinct, ça ne vient vraiment que quand le travail est régulier, et que le geste ne se « refroidit pas ».
Ce qui est certain, c’est l’aspect unique de toute composition : un morceau de verre ne se brisera jamais deux fois de la même façon ; la mosaïque que je vais agencer sera forcément unique, et je dois m’y résoudre. Si j’ai choisi un art, c’est bien l’art de l’impossibilité de refaire. Cela est proche de ce qui fait la magie du verre : l’art du feu transfigure ce que j’ai disposé sur ma plaque de verre, il fond et unifie ces éclats, parfois ces poussières. Mais en même temps, il rend impossible tout retour en arrière.
Du trait de l'aquarelle au trait de lumière.
D’ailleurs, les aquarelles où je prévois les grandes lignes et les motifs, je n’en fais pas chaque fois, mais seulement quand j’ai besoin de maquettes : pour les clients, il est nécessaire que nous fixions ensemble une ambiance, les grandes lignes d’un projet. Mais même alors, ce sera libre, et d’instinct, que je travaillerai la disposition de mes morceaux de verre, leur composition… en attendant de vérifier l’état de mes prévisions une fois la plaque sous l’effet du feu.