Le geste, c’est celui de ma main, mais aussi celui qui prendra le verre sous le joug du feu. Alors, ma disposition, que j'ai faite selon un certain équilibre, deviendra rythme, et prendra tout son éclat.
Le geste et le rythme sont très importants. J’ai besoin de sentir ce jet qui va me donner un fil conducteur : c’est dans ces moments que j’essaye de penser ce que je veux faire, de visualiser ce que je veux amener. Un totem me fait penser « élévation », tandis qu’un volume me fera penser autrement, autre chose, ailleurs.
La vague, fusing.
Le rythme ce sont des lignes, qui en dirigent ou en cassent d’autres… J’aime sentir des reliefs dans ma pièce : d’où les inégalités des surfaces, rien n’est jamais lisse. Épaisseur, brisure, déchirure… je vais travailler avec l’éclat du verre.
J’adore les couleurs, mais j’ai aussi besoin de douceur, de blanc, et puis ensuite de noir… J’ai un tempérament latin, j’aime le bouillonnement des couleurs, la violence parfois des contrastes. Mais la violence ne signifie pas forcément la déchirure : celle-ci, dans ma sculpture de verre, prend plus la forme d’une dentelle toujours sur le point de se rompre. Pousser la fragilité du verre et son équilibre jusqu’au point de rupture — parfois, une poussée du doigt suffit à faire éclater le verre…
Équilibre, fusing et thermoformage.
Il y a deux pièces dont je suis particulièrement heureuse : le Jardin bleu, sculptural, et L’Éclat où, dans un rectangle, j’ai évidé un rond pour créer une dentelle de verre. En eux, j’ai atteint un point d’équilibre précaire jusqu’auquel j’ai réussi à pousser la matière. À la Galerie de verre, des verriers m’ont dit que j’osais travailler avec la fragilité du verre : je ne suis pas dans le maniement du massif.
J’évolue dans cette fragilité qui est pour moi l’horizon à toujours déplacer un peu plus loin. Mon verre a une épaisseur de 3 à 20 mm (par endroit), sauf s’il est collé sur du Securit. Et ce qui sort du four est un voile, mais un voile de verre.
Parfois, un éclat… de rire, comme soudain du soleil.